La Suisse doit se réveiller !

La Suisse doit se réveiller !

Un leadership incompétent, qui flatte des pays se comportant de manière déloyale envers la Suisse. Un pays qui faisait jadis figure de référence sombre désormais dans le syndrome de Stockholm et perd ses repères.
Peter Hänseler
mar. 05 août 2025 2882 23

Introduction

Les États-Unis ont imposé à la Suisse un tarif douanier de 39 %. Avant Trump, ce taux était de 0 %, soit dit en passant. La Suisse dispose de l’une des infrastructures les plus coûteuses au monde. Tout doit y être d’une qualité irréprochable. Mais cela exige également que le pays – et son gouvernement – soient exemplaires en matière d’éducation, d’emploi et de fermeté politique. Si la Suisse trouve l’énergie et le courage de sortir de sa zone de confort, et parvient à mobiliser sa population, le problème pourra être résolu. Sinon, il ne le sera pas.

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Petit et pauvre

La Suisse a toujours été petite et, pendant longtemps, pauvre – si pauvre que nombre de ses habitants ont émigré ou ont dû se louer comme mercenaires pour survivre. Je viens moi-même d’une telle famille de paysans et de mercenaires : « douze enfants et cinq paires de chaussures », c’est ainsi que mon grand-père décrivait son enfance.

La chance aussi a joué son rôle : la neutralité

Mais nous avons aussi eu de la chance. Par exemple, lorsque nous avons obtenu le privilège de la neutralité lors du Congrès de Vienne en 1815 – une initiative, soit dit en passant, du tsar Alexandre Ier, convaincu par son ancien précepteur suisse Frédéric-César de La Harpe. Oui, la Suisse doit sa neutralité à la Russie – et elle la remercie aujourd’hui en piétinant à la fois la Russie et sa propre neutralité. J’ai déjà abordé en détail cette dérive de la Suisse en 2023 dans « La Suisse est en danger » (Switzerland is in danger).

Un respect durement gagné

Les Suisses n’ont pas seulement accepté le cadeau de la neutralité : ils ont transformé leur pauvre république alpine en un véritable joyau, par le travail, l’ingéniosité, la ténacité et une action diplomatique modeste mais constante, qui ont permis au pays d’échapper aux deux guerres mondiales.

Tout cela a été reconnu et respecté sur la scène internationale, si bien que les bons offices de la Suisse étaient volontiers sollicités par de nombreux pays et grandes puissances. La Croix-Rouge, fondée par le Suisse Henri Dunant, la Société des Nations, le Comité olympique, l’ONU à Genève et de nombreuses autres organisations internationales se sont installées en Suisse – non seulement, mais aussi en signe de reconnaissance de ses bons offices.

La Suisse comme modèle

Les Suisses, modestes et travailleurs, ont longtemps été considérés comme un modèle dans le monde entier. La dernière fois qu’un vote suisse a provoqué une onde de choc internationale, c’était en 2012 : 66,5 % des électeurs ont rejeté une initiative proposant six semaines de vacances pour tous les salariés – le peuple estimait que cela nuirait à l’économie, et il était prêt à renoncer à du temps libre pour préserver la santé économique du pays. Je considère que la fierté est une émotion dangereuse, mais en tant que citoyen suisse, j’étais fier de mon pays pour ces raisons-là.

Les névroses des bienfaiteurs incompétents, qui cherchent à se mettre en avant, ont détruit la neutralité.

Il est difficile de dire à quel moment la Suisse s’est écartée du chemin de vertu qui avait fait sa force. Une reconnaissance et un succès trop grands portent toujours en eux le germe de l’arrogance. On croit que cela n’a plus d’importance, que l’on peut se permettre de choisir la voie la plus confortable, celle de la facilité.

« Micheline Calmy-Rey : le sens de la mission plutôt que la compétence. »

La neutralité signifie ne pas prendre parti. C’est aussi simple que cela. Mais cela suppose aussi de savoir taire ses opinions personnelles – sinon, la neutralité ne fonctionne pas. Cela demande donc de la discipline. Un pays véritablement neutre, qui ne se laisse pas intimider, gagne le respect des grandes puissances – à tel point que personne n’ose l’attaquer, ni militairement, ni diplomatiquement. Mais encore faut-il faire preuve de constance.

Le premier affaiblissement clair de la neutralité remonte à l’adhésion de la Suisse à l’ONU. Ce fut le début de la névrose de visibilité, et nos politiciens se sont soudain sentis investis de la mission de dicter aux autres pays comment ils devraient vivre. Notre conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey parlait de neutralité active et considérait la neutralité classique comme une notion dépassée. Elle est très probablement la pionnière de la destruction de notre neutralité : le sens de la mission a remplacé la compétence.

La conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey (2003–2011) : le sens de la mission plutôt que la compétence.

Sans neutralité, pas de colonne vertébrale

Avec l’érosion de la neutralité est également venue la perte de colonne vertébrale face à notre plus grand “ami” : les États-Unis. Depuis trente ans, les politiciens suisses n’ont cessé de céder face aux pressions de nos “grands amis”, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de Bruxelles : l’affaire des compensations liées à l’Holocauste, le secret bancaire, les traités avec l’UE, l’adoption automatique des sanctions européennes. Le Conseil fédéral ne s’est même pas rendu compte que la Suisse avait été contrainte par les États-Unis de “sauver” Credit Suisse, contribuant ainsi au sauvetage du système bancaire mondial. Nous en avions parlé dans : « Bombe à retardement : produits dérivés – sauvetage de Credit Suisse – tout le monde a été trompé ». Et quel membre du Conseil fédéral en portait la responsabilité ? Exactement : Madame Keller-Sutter. Sa collègue de cabinet, Viola Amherd, a réussi l’exploit de signer un contrat pour l’achat des F-35 en pensant qu’un prix fixe avait été garanti. Visiblement, plus personne à Berne n’est capable de lire — et encore moins de comprendre — un contrat.

Washington et Bruxelles l’ont bien compris : il leur suffit de hausser la voix pour que les faibles de Berne s’écrasent. Il y a quarante ans, cela aurait été impensable — ce sont nos dirigeants qui nous ont mis dans cette situation.

Une politique plus intelligente pendant la guerre froide qu’aujourd’hui

Entre 1991 et aujourd’hui, les États-Unis ont été l’hégémon incontesté — la seule véritable puissance dominante. Or, durant la guerre froide, la Suisse faisait preuve de beaucoup plus d’habileté dans ses relations avec les blocs. Bien que plus proche des États-Unis, elle entretenait une communication étonnamment bonne avec l’Union soviétique. Aujourd’hui, plus de trente ans après la chute du rideau de fer, la Suisse suit aveuglément les États-Unis, qui cherchent à affaiblir la Russie pour des raisons géopolitiques. Les Américains traitent la Suisse de manière extrêmement brutale, et pourtant nous leur léchons les bottes tout en attisant les sentiments hostiles envers la Russie — un pays qui, soit dit en passant, n’a jamais rien fait à la Suisse. À chaque différend, les Américains nous mettent le couteau sous la gorge. Et ils le font parce qu’ils savent que nous céderons. C’est devenu une règle coutumière en matière diplomatique.

Un exécutif faible

L’exécutif suisse est composé d’un organe collégial de sept membres appelé le Conseil fédéral. Ses membres ne sont pas élus par le peuple, mais par l’Assemblée fédérale réunie (Conseil national et Conseil des États), l’équivalent de la Chambre des représentants et du Sénat aux États-Unis. Cela pose deux problèmes majeurs : tout d’abord, avant chaque élection, s’ouvre un véritable bazar politique dans lequel les 26 cantons rivalisent pour obtenir « leur tour », selon le principe du « à moi maintenant, ça fait longtemps ». Vient ensuite un deuxième problème : le quota de femmes — il faut plus de femmes au pouvoir. Que les candidats soient qualifiés ou non pour la fonction n’a strictement aucune importance.

L’essentiel est de savoir « faire l’unanimité », autrement dit : être un candidat lisse, qui ne dérange personne. Les résultats ne se font pas attendre. En 2022, par exemple, la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider a été élue au Conseil fédéral pour représenter le petit canton du Jura. Un petit canton était donc servi, et une femme trouvée. Elle hérita du Département fédéral de justice et police (DFJP), sans la moindre expérience du domaine. En 2024, elle fut ensuite « transférée » au Département fédéral de l’intérieur (DFI). Un soupir de soulagement parcourut alors le DFJP, tandis que les fonctionnaires du DFI reçurent des messages de condoléances – ils venaient d’hériter de la patate chaude que personne ne veut. Si la sélection des conseillers fédéraux est aussi désastreuse, c’est grâce — ou plutôt à cause — des membres du Parlement.

Les apparatchiks du Parlement

Autrefois, le Parlement fédéral était un parlement de milice, c’est-à-dire une fonction exercée à temps partiel. L’idée était d’y faire siéger des personnes indépendantes et compétentes, prêtes à s’engager ponctuellement pour défendre les intérêts de la Suisse. Aujourd’hui, on y trouve de moins en moins de citoyens accomplis et de plus en plus d’apparatchiks, qui mènent la belle vie aux frais du contribuable. Ils encaissent jetons de présence et indemnités d’associations, et s’offrent ainsi un train de vie qu’ils seraient incapables d’atteindre dans l’économie libre, faute de compétence, de formation ou simplement de volonté de travailler. Ces parasites marchandent des postes et poursuivent un seul objectif : vivre le plus longtemps possible en ne faisant rien, tout en protégeant les autres apparatchiks pour que ceux-ci les protègent à leur tour. Sont-ils tous comme ça ? Non. Mais ils sont trop nombreux, et le résultat est sans appel : ce système produit des conseillers fédéraux incompétents.

Solution

Le grand problème, c’est que la Suisse va encore beaucoup trop bien – et que la majorité des électeurs n’a absolument pas conscience de la pente glissante sur laquelle le pays s’engage. La solution serait pourtant simple : cesser d’élire des perdants et des parasites au Parlement. Toute personne incapable de démontrer un parcours solide et des réussites concrètes ne devrait même pas avoir la moindre chance d’y entrer. Vous ne monteriez pas dans un avion piloté par un imbécile simplement parce qu’il a envie de voler, n’est-ce pas ?

Un imbécile peut-il piloter ?

Par ailleurs, c’est au Parlement – et non au Conseil fédéral – qu’il devrait revenir d’attribuer les départements, en recherchant et en sélectionnant pour chacun d’eux un expert de premier plan dans le domaine concerné. Ainsi, peu importerait le canton d’origine du candidat ou son sexe : seule compterait sa compétence à exercer la fonction.

La solution est donc simple – mais elle restera sans doute un vœu pieux.

Comment le gouvernement devrait-il réagir ?

Négocier — ou, comme Trump aime le dire, « faire un deal » — relève en fin de compte de la communication. Or, notre Conseil fédéral n’a aucune idée de la manière dont Trump fonctionne en tant qu’individu — et oui, c’est important. Son comportement erratique, sa vanité, sa propension à s’entourer de femmes séduisantes dans son administration, son goût prononcé pour les négociations sont autant de traits qu’il ne s’agit pas de critiquer, mais de comprendre et de replacer dans leur contexte, afin de pouvoir ensuite les exploiter dans l’intérêt de la Suisse. Trump n’a aucun intellect, ne lit pas, agit uniquement à l’instinct et raffole des flatteries.

Les horizons et l'intuition d'une interprète née à Niederuzwil ont alors conduit précisément à la débâcle qu'elle a provoquée. La presse suisse a écrit que notre conseillère fédérale était apparue comme « pédante » aux yeux de Trump, selon une source à la Maison Blanche. Merci, Madame Keller-Suter.

Aussi compétente qu'elle en a l'air – la conseillère fédérale Keller-Suter explique la débâcle

Des milliers de citoyens suisses vivent, étudient et travaillent aux États-Unis depuis des décennies. Ne serait-il pas judicieux de consulter ces personnes lors de l'élaboration de la stratégie de négociation, ou bien nous contentons-nous de lancer des idées en l'air en pensant que le charme du Toggenburg séduira également Trump ?

C'est un signal d'alarme. La population suisse doit prendre conscience de ce qui se passe et réagir. La première étape sera franchie lors des prochaines élections. Les bavards incompétents, les idiots woke, les bien-pensants et ceux qui font passer les intérêts de Bruxelles avant ceux de la Suisse ne seront plus élus et seront remplacés par des personnes qui ont déjà accompli quelque chose. Alors tout ira bien.

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