Campagnes de diffamation contre la Russie

Campagnes de diffamation contre la Russie

Odessa–Bucha–Zaporijjia–Barrage de Kakhovka – Extrait du livre La géopolitique en un coup d'œil.
Wolfgang Bittner
lun. 28 juil. 2025 3096 13

Introduction

L’Allemagne est censée devenir « apte à la guerre », et le gouvernement de Berlin a alloué des sommes astronomiques au réarmement. Cela s’explique par le fait que la Russie voudrait soi-disant conquérir l’Europe occidentale après l’Ukraine — alors même qu’il n’existe aucune preuve en ce sens et que Vladimir Poutine n’a jamais exprimé de telles intentions. Pourtant, le niveau de réarmement atteint désormais un point tel qu’une troisième guerre mondiale ne peut plus être exclue. Il n’existe toutefois quasiment aucune opposition à cette politique destructrice, ni à la sur-réglementation, à la numérisation et à la surveillance généralisée, qui mènent non seulement l’Allemagne, mais aussi d’autres pays sur la voie du totalitarisme.

Mais qu’en est-il de la souveraineté allemande ? Et quelles seront les conséquences du basculement mondial de l’équilibre des puissances, alors que de nombreux pays se détournent désormais de la domination américaine ?

Ce sont les questions auxquelles répond l’écrivain et journaliste Wolfgang Bittner. Son livre Geopolitik im Überblick (La géopolitique en un coup d'œil) paraîtra le 28 juillet 2025 aux éditions Verlag Hintergrund, dans la collection Wissen Kompakt. Voici un extrait.

Les médias comme organe de propagande guerrière

La responsabilité du conflit en Ukraine et de la guerre qui en découle est entièrement imputée à la Russie, en particulier à son président, Vladimir Poutine. On ne dit pas un mot sur les années d’efforts déployés par les services de renseignement occidentaux, les agences gouvernementales et les ONG pour renverser le gouvernement ukrainien, alors même que leurs activités subversives sont avérées. Dans un renversement des faits, Washington et Berlin ont affirmé que Poutine violait constamment le droit international, mentait à l’opinion publique mondiale et provoquait l’Occident. Depuis le coup d’État du Maïdan, au plus tard, le soi-disant quatrième pouvoir est devenu le porte-voix de la rhétorique de guerre des États-Unis et de l’OTAN — avec des effets dévastateurs. Quatre exemples permettent de l’illustrer.

Odessa 2014

Après le changement de régime à Kiev en février 2014 — préparé de longue date par des forces étrangères — qui porta au pouvoir des nationalistes et des fascistes bandéristes, des marches antirusses eurent lieu dans plusieurs villes ukrainiennes. Organisées par le régime de Kiev et ses partisans sous le nom de « Marches de l’unité », elles furent notamment menées à Odessa début mai 2014. Des manifestants prorusses, refusant qu’on leur interdise de parler leur langue maternelle, s’opposèrent à ces marches, ce qui provoqua des affrontements de rue avec les nationalistes et les fascistes rassemblés pour l’occasion. De nombreux blessés furent recensés. Lorsque certains manifestants prorusses se réfugièrent dans la Maison des syndicats, leurs poursuivants mirent le bâtiment en feu. Quarante-deux personnes périrent, brûlées vives ou après avoir sauté des fenêtres, avant d’être battues à mort. La police n’intervint pas, et les pompiers ne commencèrent à éteindre l’incendie que 40 minutes après son déclenchement, alors même que la caserne se trouvait à quelques centaines de mètres à peine. Au total, 48 personnes trouvèrent la mort dans les affrontements, et plus de 250 furent blessées.

La Maison des syndicats incendiée à Odessa

Les meurtres furent rapportés de manière assez désinvolte, et souvent de façon hypocrite, par les médias occidentaux, tandis que le gouvernement de Kiev minimisait les événements. À l’exception d’un seul individu, accusé d’avoir tiré sur un manifestant, personne ne fut tenu pour responsable. En effet, les postes clés de la police, des services secrets et du ministère de l’Intérieur avaient été, immédiatement après le coup d’État, confiés à des nationalistes, des fascistes et des meurtriers, qui empêchèrent toute enquête — y compris sur les assassinats perpétrés sur la place Maïdan. Le chef de la police de Kiev devint Vadim Trojan, ancien commandant du bataillon fasciste Azov, dont certains combattants arboraient des runes SS ou des croix gammées sur leurs casques.

À Odessa, la réalité de la situation en Ukraine après le renversement violent du président élu Viktor Ianoukovitch apparaissait clairement. Tandis que les responsables politiques et les médias occidentaux rivalisaient d’éloges à l’égard des nouveaux dirigeants à Kiev, des nationalistes et des extrémistes liés à des services secrets et à des ONG prenaient le contrôle de l’ensemble du pays — à l’exception de la Crimée et des régions de Donetsk et de Lougansk — en quelques semaines. Des milices et bandes fascistes semèrent la terreur dans la population ; de nombreux opposants furent assassinés ou forcés à l’exil.[2] Bien que de nombreuses personnes favorables à l’entrée dans l’Union européenne aient initialement soutenu le soulèvement du Maïdan, la plupart se retirèrent rapidement face à la montée de la violence.

À Odessa, comme dans l’Est ukrainien en général, la majorité de la population parlait le russe. La frontière avec la Russie était ouverte, traversant parfois le centre des villes, et il n’existait pas de véritable distinction entre Ukrainiens et Russes. Cette partie de la population fut terrorisée par le massacre d’Odessa. Mais les médias occidentaux ne rapportèrent rien, car cela ne correspondait pas à la propagande selon laquelle le régime de Kiev défendait la démocratie et les valeurs occidentales.

À cet égard, la manière dont furent couverts les meurtres d’Odessa est exemplaire de la façon dont des journalistes et des responsables politiques biaisés ont manipulé l’opinion publique et diffusé une propagande antirusse par la dissimulation, la falsification et le mensonge. Aucun contexte ne fut mentionné. Dans la plupart des médias, il fut simplement question d’un incendie ayant causé la mort de plusieurs dizaines de personnes — sans que l’origine du feu soit précisée. L’événement fut présenté comme un incident isolé, tragique, voire comme la conséquence d’une provocation des séparatistes prorusses manipulés par Moscou.

Onze ans plus tard, lorsqu’on cherche à savoir ce qui s’est réellement passé à Odessa en 2014, Wikipedia continue de livrer une version conforme à la réécriture historique dominante : « Les affrontements ont commencé par une attaque de militants prorusses contre une ‘Marche de l’unité’ pro-ukrainienne et se sont terminés tragiquement par l’incendie d’un bâtiment syndical où s’étaient réfugiés des individus prorusses. »[3]

Après le massacre d’Odessa, la propagande antirusse des autorités de Kiev et de leurs soutiens occidentaux s’est intensifiée. La mise en scène d’un nouveau conflit Est-Ouest et de la crise ukrainienne par les États-Unis fut passée sous silence, et le sujet continua d’être éludé, même après l’entrée en fonction de Donald Trump.

Le 13 mars 2025, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a enfin conclu une procédure en cours depuis des années concernant les événements survenus à Odessa le 2 mai 2014. Elle a jugé que les autorités avaient agi de manière inappropriée, d’une façon allant « au-delà d’une simple erreur de jugement ou d’une négligence ».[4] Les pompiers, la police et d’autres services ont enfreint l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, car ils n’ont pas fait tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher les violences perpétrées par des « militants pour l’unité de l’Ukraine » devant la Maison des syndicats et pour secourir les personnes piégées à l’intérieur du bâtiment en feu.[5]

La Cour a également exprimé de sérieux doutes quant à la volonté des autorités ukrainiennes d’identifier les responsables, alors que de nombreuses photos et vidéos des faits existaient. Pourtant, cela devrait rester sans conséquence. Le gouvernement ukrainien n’a été condamné qu’à verser des indemnités relativement modestes aux familles des victimes et à trois survivants de l’attaque incendiaire contre la Maison des syndicats.

Le parti pris politique de la CEDH est apparu dans la façon dont les juges ont repris à leur compte l’idée selon laquelle cette « vague de violence » aurait été précédée d’une « désinformation agressive et émotionnelle » de la Russie à propos du nouveau gouvernement ukrainien. Le jugement fait également référence aux allégations du gouvernement ukrainien selon lesquelles l’Ukraine aurait été menacée et potentiellement déstabilisée par la Fédération de Russie, ainsi qu’à l’importance stratégique particulière d’Odessa. Il évoque en outre les activités russes de grande ampleur en lien avec les événements de Crimée et de l’Est ukrainien.

De ce point de vue, la Cour s’aligne implicitement sur le récit d’une agression russe non provoquée, tel qu’il est propagé par les États-Unis et l’Union européenne dans le cadre de la crise ukrainienne. Bien que l’arrêt tienne compte des faits du massacre d’Odessa et en impute la responsabilité aux autorités ukrainiennes, il ne s’attarde pas sur les causes de cette flambée de violence — à savoir la situation arbitraire et catastrophique créée en Ukraine par une hostilité systématique à la Russie.

Boutcha 2022

Lorsqu’un mensonge est répété suffisamment souvent, il finit par être accepté comme une vérité. C’est ce qui s’est produit avec les récits autour d’un crime de guerre invraisemblable, attribué aux forces russes qui avançaient vers Kiev depuis le 24 février 2022, dans la ville ukrainienne de Boutcha. Après le retrait des troupes russes de la région de Kiev le 30 mars 2022, dans le contexte de négociations de paix prometteuses à Istanbul, des images d’un prétendu massacre ont soudainement émergé début avril, bouleversant l’opinion publique mondiale. Les Russes furent immédiatement accusés, et les pourparlers de paix s’enlisèrent.

Dans les jours suivants, 458 corps furent découverts, pour la plupart tués par balle, mutilés ou torturés. Ils gisaient éparpillés dans les rues, plusieurs ayant les mains liées. Avant même la moindre enquête, un déferlement d’indignation s’abattit sur la scène internationale, nourri par une propagande de guerre de plus en plus déchaînée contre la Russie. Les sanctions furent renforcées, de nombreux diplomates russes expulsés, l’isolement de la Russie accentué, et l’aide militaire à l’Ukraine étendue.

Le 4 avril, un article parut dans le Times britannique, dans lequel le Premier ministre Boris Johnson affirmait : « Aucun accord avec la Russie tant que l’Ukraine ne tient pas les rênes. »[8] Le 9 avril, Johnson se rendit à Kiev pour dissuader Volodymyr Zelensky de signer un communiqué en vue d’un traité de paix, rédigé à Istanbul par les délégations ukrainienne et russe, jugé trop généreux en concessions. La guerre meurtrière suivit son cours, marquée par de nouvelles atrocités. L’opinion publique mondiale fut inlassablement exposée à une indignation feinte, relayée par des responsables politiques et des journalistes occidentaux, sur la base d’informations douteuses en provenance de Kiev et de certaines « agences de renseignement » américaines à propos des prétendues atrocités russes.

Le 6 avril, une session extraordinaire du Bundestag allemand fut convoquée à propos de Boutcha. Le chancelier Olaf Scholz se déclara « profondément choqué » par les « images horribles » et affirma, sans la moindre preuve, que « des soldats russes avaient massacré des civils ukrainiens, y compris des enfants, des femmes et des personnes âgées, avant de se retirer ».[9]

La ministre de la Défense de l’époque, Christine Lambrecht, n’était pas en reste. « Poutine accepte ces actes horribles, ces actes cruels », déclara-t-elle. « Quelqu’un qui agit comme Poutine se moque que les cadavres soient dans les rues de Boutcha, de Tbilissi, de Vilnius ou de Berlin. » Elle parla d’une « déshumanisation qui a franchi toutes les limites […] Nous voyons, en pleine lumière, la cruauté du système de Poutine », un système « qui subordonne tout à un délire nationaliste de grandeur, qui ne connaît ni limites ni scrupules, un système qui piétine le droit et l’humanité […] »

Fidèle à la ligne de Washington, la ministre exigea : « Le système Poutine ne doit pas gagner, ne doit pas prévaloir, car sinon aucun d’entre nous ne sera plus jamais en sécurité. Et c’est pourquoi, en Allemagne, nous devons aussi apprendre à devenir bien plus défensifs. C’est cette idée qui sous-tend le tournant de politique de sécurité annoncé par le chancelier. »

En tant que juriste, Lambrecht aurait dû savoir — tout comme Scholz — que la présomption d’innocence s’applique tant qu’une affaire n’a pas été élucidée et qu’aucun jugement n’a été rendu. Elle se référa à la déclaration du gouvernement formulée par Scholz le 27 février 2022, dans laquelle il avait proclamé un « tournant historique » et accusé le président russe Poutine — qui aurait « lancé de sang-froid une guerre d’agression » — de porter atteinte « à l’ordre de paix en Europe et dans le monde ».[11] Un discours scandaleux, difficile à supporter, par lequel Scholz contribua de manière irresponsable à attiser l’hostilité envers la Russie, et particulièrement contre son président (« Cette guerre est celle de Poutine »).

Boutcha, située à environ 25 kilomètres au nord-ouest de Kiev, devint un lieu de pèlerinage pour les va-t-en-guerre. La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le haut représentant de l’UE Josep Borrell, ainsi que d’autres responsables politiques de premier plan se rendirent immédiatement en Ukraine pour visiter le site des supposées atrocités russes et exprimer leurs condoléances. Volodymyr Zelensky accusa la Russie de génocide, tandis que les États-Unis et le Royaume-Uni exigèrent son expulsion du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Ursula von der Leyen et le Haut représentant de l’UE Josep Borrell à Boutcha, le 8 avril 2022.

Mais dès le départ, la version avancée par les autorités de Kiev — immédiatement reprise sans vérification par les responsables politiques et les médias occidentaux — a suscité des doutes. Le retrait des troupes russes s’était achevé le 30 mars 2022, mais ce n’est que les 1er et 2 avril que les premières images des victimes assassinées firent leur apparition. Entre-temps, le 31 mars, le maire de Boutcha, Anatoly Fedorouk, avait confirmé dans une vidéo le départ des forces russes, sans mentionner ni massacres ni cadavres. Des soldats et députés ukrainiens présents sur place au même moment n’avaient, eux non plus, signalé aucun corps. Tout portait donc à croire, dès le début, que les forces ukrainiennes avaient exécuté des civils prorusses. De nombreux morts portaient des brassards blancs — signe distinctif des civils coopérant avec l’armée russe —, certains avaient reçu une balle dans la nuque et les mains attachées dans le dos.

Vladimir Poutine qualifia les informations sur Boutcha de « fake », le ministre de la Défense Sergueï Choïgou parla d’une « mise en scène fabriquée plusieurs jours après le retrait de nos troupes », et le ministère russe de la Défense dénonça une nouvelle « manipulation du régime de Kiev à destination des médias occidentaux ». Le journaliste allemand Thomas Röper, basé à Saint-Pétersbourg et qui publia la vidéo du maire sur son blog le 3 avril 2022, conclut que « les récits de prétendus crimes de guerre russes à Boutcha sont un mensonge ».

Un témoignage oculaire vient appuyer cette thèse. Le journaliste français Adrien Bocquet affirma avoir assisté à la mise en scène du massacre par les forces ukrainiennes : « Quand nous sommes entrés dans Boutcha, j’étais assis côté passager. En traversant la ville, j’ai vu des cadavres sur les bas-côtés, et juste devant moi, des gens déchargeaient d’autres corps de camions pour les disposer à côté de ceux déjà allongés au sol, afin de renforcer l’impression d’un massacre de masse. »[14]

Aussi difficile que cela puisse paraître, Boutcha représente l’un des nombreux exemples de manipulation orchestrée par le régime de Kiev — sous la supervision des États-Unis et de leurs services — pour mentir à la population et attiser les tensions. L’expert en sécurité suisse et ancien analyste militaire de l’OTAN Jacques Baud souligne à juste titre qu’il est essentiel de comprendre ce qui a conduit à cette guerre. Il observe que les « experts » se succédant à la télévision s’appuient souvent sur des hypothèses qu’ils transforment en faits, rendant ainsi toute compréhension des événements impossible. C’est ainsi que l’on génère la panique.

Il faut désormais considérer que le massacre de Boutcha fut une opération montée de toutes pièces dans le but d’empêcher un accord de paix à Istanbul et de relancer la guerre par procuration menée par les États-Unis contre la Russie, avec la participation des pays membres de l’OTAN.

Bombardement de la centrale nucléaire de Zaporijjia

Le 11 août 2022, selon des sources russes situées dans des zones contrôlées par l’Ukraine, la centrale nucléaire de Zaporijjia a été à plusieurs reprises la cible de tirs d’artillerie lourde et de lance-roquettes.[16] La centrale se trouve sur le réservoir de Kakhovka, formé par le fleuve Dniepr, dont le barrage a été détruit par les forces ukrainiennes le 6 juin 2023.

Le gouvernement de Kiev, ainsi que l’exploitant ukrainien de la centrale, Energoatom, ont accusé la Russie d’être responsable de ces attaques. En revanche, les séparatistes prorusses ont accusé les forces ukrainiennes de chercher à provoquer une intervention des pays de l’OTAN en multipliant les bombardements, qui auraient pu entraîner une catastrophe dépassant largement la région. Aucun rejet radioactif n’a été constaté à ce moment-là, et les dégâts purent être réparés. Toutefois, de nouvelles attaques, survenues le 11 août 2024, provoquèrent un incendie et des dommages importants.

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, en appela au « bon sens » et demanda la cessation de toute action militaire dans la zone de la centrale. Mais les bombardements se poursuivirent, et bien que la centrale soit sous contrôle russe depuis mars 2022, la Russie fut à plusieurs reprises tenue pour responsable — comme si son armée bombardait ses propres positions et détruisait des infrastructures relevant de sa propre sphère d’influence. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ne put clarifier la situation, pourtant extrêmement dangereuse, en raison d’un parti pris évident.

Le 20 septembre 2022, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, déclara devant le Conseil de sécurité de l’ONU : « Les bombardements criminels de la centrale nucléaire de Zaporijjia par les combattants du régime de Kiev, qui créent une menace de catastrophe nucléaire, restent impunis. Et cela alors même que des employés de l’AIEA sont présents sur le site depuis le 1er septembre de cette année, et qu’il n’est pas difficile de déterminer de quel côté viennent les tirs. »[18]

À propos de l’attitude hésitante de l’organisation, Lavrov ajouta : « Je tiens à rappeler que la visite de l’AIEA à la centrale de Zaporijjia a été artificiellement retardée, bien que tous les détails aient été convenus dès le 3 juin. La mission aurait pu s’y rendre sans entrave. Ensuite, une situation inappropriée s’est produite lorsque le département de la sécurité du Secrétariat de l’ONU a refusé d’approuver l’itinéraire convenu entre la Russie et l’agence. Il a ensuite affirmé que c’était à l’AIEA de déterminer tous les paramètres de la mission elle-même. » Ce comportement des autorités occidentales — que Lavrov qualifia de « peu honorable » — a retardé l’enquête de trois mois.

Zaporijjia, la plus grande centrale nucléaire d’Europe

Afin d’informer la population russe de la menace nucléaire, Vladimir Poutine déclara dans un discours le 21 septembre 2022 : « Le chantage nucléaire est désormais mis en œuvre. Il ne s’agit pas seulement des bombardements de la centrale nucléaire de Zaporijjia, orchestrés par l’Occident, et qui menacent de provoquer une catastrophe nucléaire, mais aussi des déclarations de certains représentants de haut rang des principaux pays de l’OTAN, selon lesquelles l’utilisation d’armes de destruction massive, d’armes nucléaires contre la Russie, serait possible et admissible. »[19]

Les rédactions de Deutsche Welle, entre autres, ont démontré comment des faits pourtant évidents sur les bombardements de la centrale nucléaire ont été déformés dans les médias occidentaux. Ainsi, le 9 mars 2023, DW publiait : « Selon l’exploitant, la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia est de nouveau connectée au réseau électrique après avoir été coupée du courant à la suite d’attaques russes survenues dans la matinée. »[20]

Un reportage russe jugé crédible a documenté la situation réelle en Ukraine en 2022-2023, révélant tout ce que les médias occidentaux taisaient. Le journaliste et spécialiste de la Russie Thomas Röper en a traduit plusieurs extraits : « L’Ukraine s’est transformée en zone de non-droit, où chaque district est contrôlé par son propre seigneur de guerre. Odessa est tombée aux mains de Maxim Marchenko, ancien chef du bataillon nationaliste Aidar. Il fut nommé gouverneur. Il fit immédiatement miner la plage de Langeron. Les civils sont utilisés comme boucliers humains. À Marioupol, les soldats de l’armée ukrainienne ont installé leur artillerie derrière une école maternelle. À Kharkov, ils sont postés, armes en main, sur les balcons des immeubles. De quels corridors humanitaires parle-t-on ? Les habitants de Marioupol ont tenté de fuir la ville, mais se sont fait tirer dessus dans leurs voitures par des éléments du bataillon Azov, embusqués. L’ordre était clair : ne laisser sortir personne, et provoquer un maximum de destruction [...] Ils ont aboli l’obligation de visa pour les mercenaires étrangers, libéré des détenus et distribué des armes à qui en voulait [...] Ils ont même inventé leur propre punition pour les dissidents : la flagellation, les victimes étant attachées à un arbre à l’aide de ruban adhésif. »[21]

Des images filmées accompagnaient toutes ces affirmations. La conclusion du reportage était la suivante : « L’Ukraine est un consommable pour les États-Unis et l’Europe ; sa mission historique est de nuire à la Russie. Rien d’autre. » L’émission dépeignait un pays plongé dans le chaos, dirigé par des bandes armées telles que les groupes Azov et Aidar, qui établissaient leurs positions à proximité des écoles ou dans des immeubles résidentiels, assassinaient des opposants et organisaient des opérations sous faux drapeau — comme à Zaporijjia.

Cela n’empêcha pas le président allemand Frank-Walter Steinmeier d’assurer l’ambassadeur ukrainien Makeiev que l’Allemagne soutiendrait cette Ukraine ravagée « aussi longtemps que nécessaire » — militairement, financièrement et politiquement — ainsi que « dans sa reconstruction rapide ». À cette occasion, il prépara ses « chers compatriotes » à entrer dans une « nouvelle ère » qui exigerait des sacrifices de chacun : « Une chose est claire : nous devrons accepter des restrictions dans les années à venir. La plupart des gens l’ont déjà compris. Chacun doit contribuer à la mesure de ses moyens. Et cette crise exige que nous réapprenions la modestie. »[22]

Ce discours suivait fidèlement les orientations de Washington, mais allait à l’encontre des intérêts allemands — intérêts que les dirigeants de Berlin, grassement rémunérés, y compris le président fédéral, choisirent de négliger avec une légèreté irresponsable, tout comme ils ignoraient la menace existentielle qui pèse désormais sur l’ensemble de l’Europe.

Destruction du barrage de Kakhovka

Le 6 juin 2023, les médias allemands rapportèrent une explosion survenue dans l’est de l’Ukraine, qui détruisit le barrage de Kakhovka, alors sous contrôle russe. Là encore — bien qu’il s’agisse d’une catastrophe majeure pour la population et pour le pays — le gouvernement de Kiev accusa la Russie d’avoir fait sauter elle-même l’ouvrage. Les médias allemands évoquèrent une situation dans laquelle Kiev et Moscou se rejetaient mutuellement la responsabilité.[23] Pourtant, l’armée ukrainienne avait déjà mené plusieurs attaques contre le barrage avant sa destruction, causant notamment d’importants cratères dans la chaussée le traversant.[24] Malgré cela, Volodymyr Zelensky parla d’un acte terroriste perpétré par les Russes, expliquant que l’objectif aurait été de freiner la contre-offensive ukrainienne lancée début juin.

Les responsables politiques occidentaux, quant à eux, accusèrent unanimement la Russie. Lors d’un débat, le chancelier allemand Olaf Scholz évoqua « un changement de dimension dans la guerre en Ukraine », affirmant que la destruction du barrage correspondait à « la manière dont Poutine mène cette guerre ». Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, déclara : « Il s’agit d’un acte scandaleux, qui démontre une fois encore la brutalité de la guerre menée par la Russie en Ukraine. »[25] La ministre des Affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, exprima son « horreur » et affirma que, par cette attaque, la Russie « détournait un objet civil à des fins militaires ».[26]

À l’inverse, le ministère russe des Affaires étrangères publia le communiqué suivant : « Cet acte de sabotage du régime de Kiev a causé d’immenses dégâts à l’agriculture de la région et à l’écosystème de l’estuaire du Dniepr. L’envasement inévitable du réservoir de Kakhovka compliquera l’approvisionnement en eau de la Crimée et dégradera les terres agricoles de la région de Kherson. Ce qui s’est produit constitue un attentat terroriste dirigé contre une infrastructure purement civile. Il a été planifié à l’avance par le régime de Kiev à des fins militaires, dans le cadre de la soi-disant ‘contre-offensive’ des forces armées ukrainiennes [...] Nous appelons la communauté internationale à condamner les actes criminels des autorités ukrainiennes, qui deviennent de plus en plus inhumains et représentent une menace grave pour la sécurité régionale et mondiale. »[27]

Le barrage de Kakhovka sur le fleuve Dniepr avant sa destruction.

Alimenté par le fleuve Dniepr, le lac de Kakhovka était l’un des plus grands réservoirs artificiels au monde, couvrant une superficie de 2 155 kilomètres carrés. Il fut presque entièrement vidé lorsque qu’une partie du barrage, long de 3,2 kilomètres, fut détruite, inondant de vastes zones situées en aval du fleuve. Les régions les plus touchées étaient majoritairement sous contrôle russe, notamment d’innombrables habitations, la ville de Nova Kakhovka et la région de Kherson. L’explosion du 6 juin entraîna également la destruction de la centrale hydroélectrique qui alimentait en électricité la centrale nucléaire de Zaporijjia. Celle-ci puisait son eau de refroidissement dans le lac, tandis que le canal de Crimée du Nord, essentiel à l’approvisionnement en eau de la Crimée, risquait désormais l’assèchement.

Construit à l’époque soviétique entre 1950 et 1955, le barrage servait à produire de l’électricité et à irriguer les terres agricoles, ce qui avait permis d’augmenter les rendements dans le sud de l’Ukraine et en Crimée. Il avait également favorisé l’élevage et amélioré la navigation sur le Dniepr en régulant le niveau des eaux.[28]

La destruction du barrage de Kakhovka — un ouvrage d’ingénierie bénéfique pour des millions de personnes — constitue un crime particulièrement odieux contre le peuple ukrainien, que le gouvernement de Kiev prétend pourtant représenter.

Wolfgang Bittner, Geopolitik im Überblick. Deutschland–USA–EU–Russland (La géopolitique en un coup d’œil : l’Allemagne, les États-Unis, l’UE et la Russie), publié aux éditions Verlag Hintergrund, broché, 144 pages, 14,80 €, ISBN 978-3910568235.

Cliquez ici pour commander le livre.

Wolfgang Bittner est écrivain et journaliste à Göttingen. Titulaire d'un doctorat en droit, il a publié plus de 80 ouvrages. Il a reçu plusieurs prix et distinctions et est membre du PEN. De 1996 à 1998, il a été membre du Conseil de radiodiffusion de la WDR et, de 1997 à 2001, membre du Comité exécutif fédéral de l'Association des écrivains allemands. Ses nombreux voyages l'ont conduit au Moyen-Orient, au Mexique, au Canada et en Nouvelle-Zélande, et il a été professeur invité en Pologne en 2004 et 2006. Pendant de nombreuses années, il a collaboré en tant que pigiste à des journaux, des magazines et des chaînes de télévision publiques. Parmi ses publications les plus récentes, citons Der neue West-Ost-Konflikt. Inszenierung einer Krise (Le nouveau conflit Est-Ouest : mise en scène d'une crise, 2021), Deutschland – verraten und verkauft (Allemagne : trahie et vendue, 2021), Ausnahmezustand. Geopolitische Einsichten und Analysen unter Berücksichtigung des Ukraine-Konflikts (État d'urgence : perspectives et analyses géopolitiques à la lumière du conflit ukrainien, 2023) et le roman Die Heimat, der Krieg und der Goldene Westen (La patrie, la guerre et l'Occident doré, 2019).

Sources et références

[1] Vgl. Eike Fesefeldt, »Tragödie von Odessa am 2. Mai 2014. Bis heute nicht aufgeklärt«, in: LTO, 2. Mai 2020, www.lto.de/recht/hintergruende/h/2014-odessa-42-tote-buergerkreig-brand-ukraine-russland-un-europarat-ermittlungen-emrk/ [abgerufen 2. April 2025]

[2] Dazu ausführlich Wolfgang Bittner, Der neue West-Ost-Konflikt, S. 197–215

[3] https://de.wikipedia.org/wiki/Ausschreitungen_in_Odessa_am_2._Mai_2014 [abgerufen 2. April 2025]

[4] Zit. n. Judgment Vyacheslavova and Others v. Ukraine - State negligence in clashes between Maidan supporters and opponents in Odesa in May 2014.pdf

[5] Ebenda

[6] Vgl. https://www.interfax.ru/russia/831942

[7] Vgl. https://de.wikipedia.org/wiki/Massaker_von_Butscha [abgerufen 1. April 2025]

[8] Zit. n. www.thetimes.com/world/russia-ukraine-war/article/no-settlement-russia-ukraine-nato-boris-johnson-pxfkbr27g?region=global

[9] Zit. n. Deutschlandfunk Kultur, 6. April 2022, www.deutschlandfunkkultur.de/aktuelle-stunde-zum-massaker-in-butscha-im-bundestag-dlf-kultur-1dab7f3e-100.html

[10] Zit. n. www.youtube.com/watch?v=wV1ks1a4Z0U [abgerufen 7. April 2025]

[11] Redetext: www.bundesregierung.de/breg-de/suche/regierungserklaerung-von-bundeskanzler-olaf-scholz-am-27-februar-2022-2008356

[12] Vgl. Tagesschau, 6. April 2022, www.tagesschau.de/ausland/europa/selenskyj-ukraine-sicherheitsrat-101.html

[13] Vgl. www.pravda.com.ua/rus/news/2022/04/1/7336396/. Sowie: www.kommersant.ru/doc/5293082

[14] Zit. n. https://weltwoche.ch/daily/was-geschah-wirklich-in-butscha-ueber-fakten-und-die-widersprueche-des-westens/

[15] Zit. n. sicht-vom-hochblauen.de, 20. April 2022, https://prosv.at/wp-content/uploads/2022/02/UK-Baud-4-Interview-9.04.-2022.pdf

[16] Vgl. www.dw.com/de/ukraine-aktuell-akw-saporischschja-erneut-beschossen/a-62773137

[17] Vgl. www.tagesschau.de/ausland/europa/ukraine-saporischschja-126.html

[18] Zit. n. RT DE, 22. September 2022, https://pressefreiheit.rtde.tech/europa/149669-lawrow-vor-un-sicherheitsrat-wir/. Dokumentiert in Wolfgang Bittner, Ausnahmezustand, S. 272

[19] Zit. n. https://zeitschrift-osteuropa.de/blog/vladimir-putin-erklaerung-der-teilmobilisierung/

[20] www.dw.com/de/ukraine-aktuell-akw-saporischschja-wieder-am-netz/a-64926318

[21] Zit. n. Anti-Spiegel, 7. März 2022; www.anti-spiegel.ru/2022/in-der-ukraine-herrscht-das-chaos-und-selensky-lallt-vor-der-presse/?doing_wp_cron=1667614361.9042179584503173828125

[22] Siehe www.bundespraesident.de/SharedDocs/Reden/DE/Frank-Walter-Steinmeier/Reden/2022/10/221028-Alles-staerken-was-uns-verbindet.html

[23] www.tagesschau.de/ausland/europa/ukraine-staudamm-kachowka-100.html

[24] Vgl. www.n-tv.de/politik/Moskau-meldet-Beschuss-von-Kachowka-Staudamm-article23699497.html

[25] Vgl. www.youtube.com/watch?v=hz9Jqq3YdTA; www.deutschlandfunk.de/die-situation-ist-dramatisch-baerbock-und-scholz-zum-kachowka-damm-dlf-63993b22-100.html

[26] Vgl. www.merkur.de/politik/baerbock-entsetzt-zerstoerung-kachowka-staudamm-92326724.html

[27] Zit. n. https://mid.ru/de/foreign_policy/news/1885611/

[28] https://de.wikipedia.org/wiki/Kachowkaer_Stausee

13 Commentaires sur
«Campagnes de diffamation contre la Russie»

Traduire en
close
Loading...