Le monde occidental à la croisée des chemins

Le monde occidental à la croisée des chemins

Le symbole de « paix » de MAGA s'effrite. Sa base électorale, ses anciens alliés occidentaux et, bien sûr, la majorité mondiale lui tournent le dos. Il est grand temps de prendre des décisions vraiment courageuses.
Andreas Mylaeus
ven. 25 juil. 2025 3811 31

Introduction

Le 13 juillet 2024, le monde entier a été témoin du poing levé de Donald Trump et a entendu ses mots : « Fight! Fight! Fight! » et « Dieu m'a épargné pour une raison » lors d'une tentative d'assassinat pendant un rassemblement de campagne à Butler, en Pennsylvanie.

Durant ses campagnes présidentielles, il a parlé de mettre fin aux guerres « sans fin » ou « éternelles » et a déclaré qu'éliminer les « va-t-en-guerre et mondialistes qui font passer l'Amérique en dernier » serait parmi les priorités de son second mandat.

« L’élu » est ainsi devenu un symbole d’un changement d’époque : les guerres cinétiques semblaient toucher à leur fin et céder la place à une stratégie fondée sur la négociation. Le monde commençait à s’habituer à l’idée que la politique américaine suivrait désormais la philosophie relativement non belliqueuse décrite par Trump dans son livre The Art of the Deal : négocier durement pour en tirer le maximum ; toujours avoir plusieurs options en réserve ; se vendre comme une marque pour gagner en pouvoir de négociation ; prendre des risques, mais de manière à perdre le moins possible ; exercer une pression sur son adversaire et exploiter la dynamique – mais ne pas gaspiller d’argent dans des guerres.

Beaucoup ont cru en ces promesses. Mais, comme on le constate aujourd’hui, il ne s’agissait pas simplement de vœux pieux détachés de la réalité. Ces promesses étaient davantage le résultat d'une propagande reposant sur l'ingénierie sociale (une méthode visant à influencer les masses). Le modèle historique classique de cette méthode est représenté par David Rockefeller et ses cercles.

Rockefeller

Quiconque a un peu vécu sur cette planète et gardé les yeux et les oreilles ouverts se souviendra de ce postulat : « Il nous faut des gens dans tous les camps. » Cette phrase est attribuée à David Rockefeller, et ce n’est pas sans raison. Il fut un grand maître du réseautage et de l’ingénierie sociale.

Rappelons son rôle au sein de la Fondation Rockefeller, du Council on Foreign Relations (CFR), de la Commission Trilatérale et des réunions du Bilderberg.

Rockefeller a souvent déclaré que lui et sa famille soutenaient les institutions mondiales « pour promouvoir la coopération internationale ». Cette phrase, par exemple, est devenue célèbre :

"Certains croient même que nous faisons partie d’une cabale secrète œuvrant contre les meilleurs intérêts des États-Unis, que ma famille et moi sommes qualifiés d’“internationalistes” et accusés de conspirer avec d’autres dans le monde entier pour construire une structure politique et économique mondiale plus intégrée – un seul monde, si vous voulez. Si telle est l’accusation, je plaide coupable, et j’en suis fier."
David Rockefeller, Mémoires

Voici deux de ses protégés :

Zbigniew Brzezinski, à gauche, avec Henry Kissinger, décembre 2016, source de l’image : Daily News

David Rockefeller n’a pas « inventé » Brzezinski, mais il l’a promu, sur le plan institutionnel et stratégique, à travers ses réseaux : d’abord via le Council on Foreign Relations, puis plus spécifiquement par la Commission Trilatérale. C’est là que Brzezinski a pu mettre en œuvre ses idées. Il devint conseiller de campagne de Lyndon B. Johnson de 1966 à 1968, puis conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter de 1977 à 1981. Son ouvrage Le Grand Échiquier : la primauté américaine et ses impératifs géostratégiques, consacré à la stratégie géopolitique anglo-saxonne, reste aujourd’hui un classique.

Rockefeller et Kissinger ne formaient pas un duo mentor-disciple au sens traditionnel. Mais Kissinger gravit les échelons au sein du Council on Foreign Relations (CFR), dans lequel Rockefeller jouait un rôle central en tant que principal financeur. Kissinger écrivait dans Foreign Affairs, le magazine phare du CFR. Ensemble, ils ont mêlé intérêts bancaires, politique pétrolière, guerre froide et mondialisation. Le voyage de Rockefeller en Chine en 1973, aux côtés de Kissinger, pour explorer la possibilité d’établir des relations économiques, est devenu célèbre. Kissinger était alors conseiller à la sécurité nationale sous Nixon. Après son passage au gouvernement, il fonda un cabinet de conseil (Kissinger Associates), dont les portes les plus importantes furent ouvertes grâce aux contacts de Rockefeller.

Le réseau Rockefeller – et ses héritiers actuels – poursuit toujours les anciens objectifs de l’impérialisme financier.

Donald Trump, le nouveau porte-parole déguisé de l'establishment

Au moment de la campagne électorale de Donald Trump contre Joe Biden, plusieurs problèmes majeurs convergèrent pour les cercles qui dirigent l’Amérique : aux yeux de la population, la caste politique en place avait ruiné le pays, perdu toute légitimité et la confiance du peuple. La population était lasse des guerres. Parallèlement, le scénario apocalyptique d’un effondrement financier en raison des déficits budgétaire et commercial des États-Unis devenait de plus en plus évident. Il fallait une figure capable d’incarner de manière crédible la défiance envers l’establishment politique, un outsider qui promettrait de « nettoyer les écuries d’Augias ». Il devait aussi donner l’impression qu’il allait inverser la désindustrialisation, combattre efficacement aux déficits jumeaux, et mettre fin aux « guerres sans fin ».

Mais il n’a jamais été question de résoudre sérieusement aucun de ces problèmes. Il s’agissait simplement d’installer une nouvelle marionnette, qui ferait semblant de s’y atteler.

Pour mettre réellement fin à la délégitimation évidente de la caste dirigeante, il aurait fallu réformer en profondeur la structure du système politique en place. Or, personne — ni à l’intérieur ni à l’extérieur du « Beltway » (la ceinture de Washington) — n’avait le moindre intérêt à entreprendre une telle réforme, car au fond, « nous » vivons tous du fait que « nous » gardons nos postes, que « nous » continuons à être financés par l’État et que « nous » pouvons continuer à remplir « nos » poches — après « nous », le déluge.

Les déficits budgétaire et commercial ne peuvent être résolus sans une perte de pouvoir fondamentale de l’empire financier, sans même parler des bouleversements techniques et sociaux presque insurmontables qu’impliquerait une telle transformation. On préfère donc gagner du temps, repousser l’échéance, en espérant trouver encore quelques bailleurs de fonds pour maintenir provisoirement le système à flot.

Et l’on voit bien, chaque jour, que les guerres ne sont pas en voie d’être arrêtées par l’administration américaine actuelle — elles sont au contraire attisées avec un zèle diabolique.

La fraude commence à être révélée.

À Cologne, on trouve de petites sculptures sur les façades représentant le conte de fées de Hans Christian Andersen, Les habits neufs de l'empereur.

Il règne un profond malaise parmi les électeurs de Trump. Certains de ses plus fervents partisans médiatiques le critiquent désormais avec virulence. Le colonel à la retraite Lawrence Wilkerson affirme que le mouvement MAGA commence à se scinder « en son cœur ».

Le célèbre animateur et commentateur politique américain Tucker Carlson, qui avait pourtant soutenu Trump avec vigueur pendant la campagne électorale, l’attaque aujourd’hui pour diverses raisons. Il lui reproche notamment de vouloir dissimuler son implication dans la très sulfureuse affaire Epstein, ainsi que son refus de rendre publics les documents pertinents.

Jeffrey Epstein (à gauche) avec Trump (à droite), à une époque plus faste — capture d’écran d’une émission diffusée sur CNN.

Carlson poursuit en dénonçant la politique de guerre agressive de l’administration Trump. Dans ce contexte, il a mené une interview avec le sénateur du Texas Ted Cruz, l’un des alliés les plus influents de Trump dans la campagne pour un changement de régime en Iran — une interview au cours de laquelle le sénateur a été, pour ainsi dire, complètement déstabilisé.

Mais Tucker Carlson n’est pas seul. Nombreux sont ceux qui soulignent que Trump n’a tenu aucune de ses promesses de campagne — en particulier celles concernant la fin des guerres menées par l’axe américano-israélien.

Marjorie Taylor Greene avec Trump, photo : Reuters

La représentante républicaine de Géorgie, Marjorie Taylor Greene (MTG), a récemment marqué une rupture surprenante et nette avec Donald Trump, bien qu’elle ait longtemps été l’une de ses plus fidèles soutiens. Elle a déclaré au Times que les Américains en avaient « assez » des conflits dans des pays lointains. Elle a fermement condamné l’annonce de Trump de fournir des armes à l’Ukraine par l’intermédiaire de l’OTAN, y voyant une trahison du principe « America First ». Selon elle, Trump prend le risque d’entraîner à nouveau les États-Unis dans une guerre. Elle parle d’une promesse rompue :

Marjorie Taylor Greene en action, Kent Nishimura/Getty Images
C’est exactement ce que nous avons rejeté pendant la campagne électorale : plus un centime pour l’Ukraine, nous voulons la paix.”
Source: The Daily Beast

Dès le mois de juin, elle avait déjà appelé à ne pas bombarder l’Iran et critiqué Trump pour avoir ordonné des frappes aériennes contre des installations nucléaires iraniennes. Elle avait qualifié cette décision de promesse trahie, et de reniement de son engagement à ne pas lancer de nouvelles guerres.

Ces attaques frontales contre la ligne politique de Trump révèlent des fissures profondes au sein du mouvement « America First ». Marjorie Taylor Greene s’oppose ouvertement à sa politique étrangère et à certains volets de sa politique économique. Bien qu’elle affirme continuer à le soutenir personnellement, ses critiques soulignent que le camp autrefois uni autour de Trump menace désormais de se disloquer.

Trump perd des soutiens, il perd sa base — et cela, à peine quelques mois après le début de son second mandat.

Et cette érosion ne concerne pas seulement les États-Unis. À l’international, la confiance dans la volonté réelle de l’administration américaine — et de son porte-voix Trump — de s’engager dans de véritables négociations est désormais réduite à néant.

Negotiations Kabuki

Des observateurs avertis de la situation, comme Gilbert Doctorow, continuent de penser que « Trump » souhaite normaliser les relations entre les États-Unis et la Russie, et qu’il œuvre en ce sens. Le colonel Douglas Macgregor, longtemps l’un des soutiens les plus fidèles de Trump, a déclaré le 15 juillet 2025, lors d’un entretien avec le juge Napolitano, que ses sources à la Maison-Blanche lui avaient assuré que des discussions en coulisses entre négociateurs américains et russes étaient toujours en cours — et se déroulaient bien.

D’autres, comme Pepe Escobar, comparent ce cirque diplomatique itinérant à une forme d’art japonaise. Le kabuki est un théâtre traditionnel dans lequel les gestes dramatiques, les performances figées et les règles formelles sont essentielles — mais où l’issue du drame est connue d’avance. Les sons enjôleurs de la flûte de Steve Witkoff, entendus à Moscou et à Saint-Pétersbourg, n’ont produit rien d’autre que de vaines tentatives pour endormir la Russie avec des promesses floues de coopération économique, et, si possible, l’arracher au camp chinois.

Une mascarade : le président russe Vladimir Poutine serre la main de Steve Witkoff, envoyé spécial du président américain Donald Trump, lors d’une rencontre à Saint-Pétersbourg, en Russie, le 11 avril 2025. Sputnik/Gavriil Grigorov/Pool via REUTERS/Archive photo

Mais la tentative d'attirer la Russie avec la carotte des avantages économiques et, si elle se comporte bien, l'assouplissement des sanctions est trop transparente. Dans le même temps, Keith Kellogg fait claquer le fouet à Kiev.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky rencontre Keith Kellogg, représentant spécial des États-Unis pour l’Ukraine, à Kiev, en Ukraine, le 14 juillet 2025. Service de presse de la présidence ukrainienne / Document remis via REUTERS

L’accent reste mis, dans ce contexte, sur la coopération entre les services de renseignement respectifs, un durcissement des sanctions contre la Russie, l’élargissement de l’aide militaire américaine et des exigences maximales envers Moscou — qui devrait alors se soumettre sans condition. Il n’est nullement question d’une quelconque « normalisation » des relations avec la Russie.

La Russie et les États-Unis se sont bien rencontrés à Istanbul les 27 février et 10 avril 2025, dans le but de normaliser le fonctionnement des missions diplomatiques et d’améliorer les relations bilatérales. À l’issue de la dernière consultation, les parties sont convenues de faciliter la liberté de mouvement des diplomates et d’élaborer une « feuille de route » concernant les biens diplomatiques russes saisis.

Sergey Ryabkov, Photo: Igor Ivanko, Kommersant

Cependant, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Alexeïevitch Riabkov, a déclaré le 10 juillet 2025 qu’une « pause technique » s’était installée dans le dialogue avec les États-Unis concernant la restauration des relations bilatérales. Le ministère russe des Affaires étrangères indique attendre sous peu des informations concrètes sur la date du prochain cycle de consultations.

Selon des personnes en contact avec Riabkov, ce dernier aurait confié, à huis clos, que les discussions n’avaient jusqu’à présent débouché sur aucun progrès réel, au-delà de « belles paroles ». Par exemple, les biens immobiliers russes saisis par les États-Unis n’ont toujours pas été restitués. De même, il n’est plus question de la reprise des vols directs entre les États-Unis et la Russie, pourtant convenue auparavant. Voilà pour la prétendue « négociation » ou la « normalisation » des relations américano-russes.

Fin du dégel

Mais ce qui a véritablement fait déborder le vase, c’est la trahison flagrante de la confiance de l’Iran par l’axe américano-israélien.

Le 22 juin 2025, sous le nom de code « Opération Midnight Hammer », les États-Unis ont mené des frappes aériennes contre trois installations nucléaires iraniennes à Fordow, Natanz et Ispahan. Peu auparavant, le 13 juin, les services de renseignement occidentaux avaient lancé une attaque surprise contre l’Iran.

Or, durant l’été 2025, des efforts diplomatiques parallèles étaient en cours : des pourparlers impliquant les États-Unis, le Congrès américain et l’Iran portaient sur le programme nucléaire et les tensions au Moyen-Orient. Le bombardement des sites nucléaires iraniens, le 22 juin, est survenu alors que se déroulaient en coulisses des négociations entre représentants américains et diplomates iraniens, visant à une désescalade ou du moins à un certain apaisement des tensions dites « nucléaires ». Pourtant, au même moment, l’armée américaine et certains faucons au sein du gouvernement préparaient déjà des opérations militaires — qui furent effectivement exécutées.

Cette approche contradictoire constitue une violation flagrante des principes les plus élémentaires de la bonne foi dans les relations humaines. Tout négociateur sait qu’avant même la conclusion d’un contrat, et même pendant les négociations, une responsabilité peut être engagée si l’on dissimule des informations essentielles, fait de fausses déclarations ou agit de manière déloyale. Ce principe vise à protéger la confiance dans les relations commerciales, privées comme internationales.

Mais bien entendu, ces « maîtres du monde » estiment que ces principes ne s’appliquent qu’aux « esclaves » : Quod licet Iovi, non licet bovi (« Ce qui est permis à Jupiter ne l’est pas au bœuf »). Autrement dit, ce que les puissants ou les privilégiés peuvent se permettre est interdit ou inaccessible aux gens « ordinaires ».

Ce mépris du droit rappelle fortement la distinction entre le ius divinum (le droit divin, immuable) et le ius positivum (le droit séculier), telle qu’elle existait dans l’ancien droit canon. Jusqu’au XIXe siècle, certains canonistes soutenaient que les accords conclus entre un État et le Saint-Siège n’avaient pas de valeur contraignante pour l’Église au regard du droit international. En tant qu’institution divine, l’Église ne pouvait s’engager par des traités séculiers dans l’accomplissement de sa mission. Le salut des âmes (salus animarum) primait sur tout accord temporel. Si un concordat contredisait cet objectif suprême, l’Église n’y était, de facto, pas liée.

L’exceptionnalisme politique à motivation religieuse du Destin manifeste américain au XIXe siècle n’est qu’une copie grossière de cette logique. Cette doctrine affirme que les États-Unis ont un destin divin à accomplir, consistant à s’étendre sur le continent nord-américain — et au-delà.

Peinture de John Gast, vers 1872

Dans cette représentation allégorique du Destin manifeste, la figure de Columbia personnifie les États-Unis, apportant la « lumière de la civilisation » aux colons américains se dirigeant vers l’Ouest, tout en repoussant les peuples autochtones et les animaux sauvages. Columbia tend un fil télégraphique et tient un manuel scolaire dans sa main droite. Les puissances occidentales autoproclamées vivent encore dans ce monde fantasmé.

Mais aujourd’hui, même certains des compagnons les plus fidèles de l’OTAN et de la machine militaire américaine semblent en avoir assez — ou plutôt, commencent enfin à comprendre qu’ils ne sont que des instruments et des victimes d’un empire délirant qui s’effondre lentement.

Voter avec leurs pieds

L’Indo-Pacific Four (IP4) est une alliance informelle regroupant le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui participe régulièrement aux sommets de l’OTAN depuis 2022. Son objectif est de relier les défis sécuritaires de la région euro-atlantique à ceux de la zone indo-pacifique. Ces quatre pays revêtent une importance stratégique majeure pour l’Occident. Leur coopération constitue le pilier indo-pacifique de l’architecture sécuritaire portée par l’OTAN.

Or, au sommet de l’OTAN qui s’est tenu à La Haye les 24 et 25 juin 2025, les chefs de gouvernement de la Corée du Sud (le président Lee Jae Myung), du Japon (le Premier ministre Shigeru Ishiba) et de l’Australie (Anthony Albanese) étaient absents.

Le Premier ministre japonais Ishiba a officiellement annulé sa participation trois jours seulement avant le sommet. Le ministère japonais des Affaires étrangères a évoqué de vagues « circonstances diverses » pour justifier cette décision.

Le président sud-coréen Lee Jae Myung a décliné l’invitation en invoquant des « priorités nationales » et les développements au Proche-Orient. Les tensions y ont fortement augmenté depuis les frappes américaines contre les installations nucléaires iraniennes, alors que les hostilités entre Israël et l’Iran se poursuivent. Des inquiétudes subsistent également quant à un possible enchaînement d’escalades avec la Chine ou la Russie, notamment après les attaques américaines contre des cibles iraniennes.

Le Premier ministre australien Albanese a lui aussi annulé peu avant le sommet. Outre les tensions au Moyen-Orient, des désaccords commerciaux et des frictions en matière de défense avec les États-Unis — en particulier sur les droits de douane et d’autres exigences — ont été invoqués.

Le Premier ministre néo-zélandais Christopher Luxon fut le seul représentant des pays de l’IP4 à assister à la réunion.

Un président américain de plus en plus isolé, Donald Trump, monte à bord d’Air Force One le 24 juin 2025 pour se rendre au sommet de l’OTAN, depuis la base militaire de Joint Base Andrews, dans le Maryland. (PHOTO / AFP)

L’absence de ces pays ne relevait pas du hasard, mais d’une décision conjointe et délibérée, en grande partie motivée par l’approche agressive de l’axe américano-israélien envers l’Iran. D’anciens alliés loyaux, jusqu’ici toujours fiables pour l’Occident, expriment de plus en plus clairement leur opposition à la poursuite de la politique impériale — non par des mots, mais par leurs actes. Ils « votent avec leurs pieds », car ils estiment que leurs propres intérêts vitaux sont désormais menacés par les choix stratégiques de l’Occident. Par ailleurs, une véritable alternative se dessine à leurs yeux de plus en plus nettement.

Les BRICS sont le nouveau cadre post-occidental

L'Occident croit être engagé dans un nouveau « choc des civilisations », une expression forgée par Samuel P. Huntington dans les années 1990. La majorité mondiale voit les choses de manière complètement différente. À leurs yeux, il s'agit d'une rupture avec le passé.

Les BRICS ne sont pas une alliance de confrontation, mais agissent par intérêt personnel et cherchent une influence mondiale pour y parvenir.

Ces pays se considèrent comme faisant partie d'un nouvel ordre mondial multipolaire qui n'est pas occidentalo-centrique.

Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a parlé lors de la 53e Conférence de sécurité de Munich en 2017 d'un « ordre mondial post-occidental » dans lequel chaque pays est défini par sa propre souveraineté.

En juin 2017, le président chinois Xi Jinping a prononcé un discours marquant au Forum économique des BRICS dans lequel il a remis en question la domination occidentale de l'économie mondiale. Selon son discours, la Chine a l'intention de travailler avec ses partenaires pour construire une nouvelle chaîne de valeur mondiale en rééquilibrant la mondialisation économique.

Photo: Kremlin.ru

Depuis, de nombreuses déclarations ont été faites dans le même esprit.

Le président russe Vladimir Poutine a été clair :

"Nous ne travaillons contre personne ; nous agissons dans notre propre intérêt et dans celui des États membres. Les BRICS ne poursuivent aucune logique de confrontation."

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a réaffirmé :

"Nous nous battons pour un équilibre des intérêts, mais en aucun cas contre qui que ce soit en Occident."
Ambassador Celso Amorim | Image: Isabela Castilho/BRICS Brasil

Celso Amorim, diplomate brésilien et cofondateur des BRICS, a souligné :

"Les BRICS ne sont pas contre l’Occident ; ils sont pour l’équilibre, pour le développement, pour le multilatéralisme et pour la justice sociale."

Un article du South China Morning Post résume la situation ainsi :

"Les BRICS ne sont pas anti-occidentaux ; ils souhaitent un ordre mondial plus équitable."
Image: Eurasia Magazine

Le magazine Eurasia résume également la situation de manière concise :

"Le système BRICS est “non occidental”, mais pas “anti-occidental”."

The Guardian observe que les BRICS construisent une infrastructure financière afin de « s’affranchir du système occidental » — un signe clair de l’émergence d’un nouvel ordre mondial décentralisé.

En résumé : les représentants des pays des BRICS affirment clairement qu’ils ne sont pas anti-occidentaux, mais qu’ils ne sont plus pro-occidentaux non plus. Ils évoluent désormais dans un ordre multipolaire post-occidental, qui gagne logiquement en soutien à travers le monde.

Alors, cher Occident : il est grand temps de prendre des décisions courageuses.

Il semble que plus personne en Occident n’ose affronter les choix difficiles qui s’imposent. Ne devrions-nous pas battre en retraite ? Reconnaissons-nous les problèmes qui minent nos propres sociétés ? Y faisons-nous face ? Réformons-nous nos économies ? Changeons-nous notre manière de gouverner ? Empruntons-nous une autre voie ? En d’autres termes, sommes-nous prêts à renoncer à notre domination politique, financière et militaire sur le reste du monde ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Vladimir Poutine et Xi Jinping restent polis. Ils ne fanfaronnent pas. Ils ne menacent pas de détruire l’autre camp. Ce sont des professionnels. Ils ne pratiquent pas ce type de rhétorique. Mais il faut bien comprendre une chose : ils sont sérieux. Pour eux, c’est clair : ils seront souverains et indépendants, ou ils ne seront pas. Il en va de même pour nous. Nous, en Occident, devons aussi nous affranchir de l’impérialisme financier.

La vie punit ceux qui sont en retard

Lors de la chute du mur de Berlin en 1989, Mikhaïl Gorbatchev adressa, de manière indirecte mais claire, un avertissement à Erich Honecker lors d’une visite d’État en RDA (octobre 1989) : des réformes étaient indispensables. À cette occasion, Gorbatchev déclara :

"Je pense que le danger menace uniquement ceux qui ne réagissent pas à la vie."

L'histoire nous enseigne que ceux qui ignorent les changements historiques seront submergés par eux.

Y a-t-il quelqu'un dans notre monde politique distant qui comprenne cela ?

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