
Conséquences prévisibles de politiques irresponsables
Introduction
Nous assistons à une succession rapide d'événements et de décisions d'importance historique. Bon nombre d'entre eux sont susceptibles d'influencer l'évolution du monde. Il est inquiétant de constater que les décisions politiques de grande importance ne semblent plus reposer sur une analyse rationnelle des avantages et des inconvénients, mais de plus en plus sur des émotions, des décisions impulsives, des interprétations religieuses, des croyances de toutes sortes et des dépendances politiques et économiques à peine dissimulées.
Le cours des événements agit sur notre état d’esprit et nos émotions. Il influence fortement notre perception du monde, et donc nos réactions et nos décisions, petites ou grandes. La « boule au ventre » que nous ressentons en écoutant les informations n’est en rien le fruit du hasard. Malgré toute notre rationalité, innée ou acquise, nous devons apprendre à interpréter nos émotions pour prendre les bonnes décisions.
Faits et émotions
Il semble profondément injuste de louer un président américain pour avoir mis fin à une guerre qu’il a, selon toutes les informations disponibles, planifiée de manière unilatérale et rendue possible en premier lieu par la fourniture d’armes. De plus, sa déclaration selon laquelle il entend permettre au président du pays agressé illégalement de rester en vie « pour le moment » soulève bien plus que de simples doutes quant à sa légitimité morale et intellectuelle à exercer ses fonctions.
Il semble tout aussi inapproprié de louer et de saluer ce même président pour son engagement envers la bande de Gaza. Car c’est précisément cet engagement qui rend possible les agissements d’un État politiquement et moralement hors de contrôle : Israël. Qualifier cette orgie de violence autrement que de génocide revient à insulter l’intelligence de toute personne instruite et à banaliser la définition historique de ce terme.
L’ONU évoque désormais bien plus de 50 000 morts, en grande majorité des femmes, des enfants et des personnes âgées. Il y a quelques jours, une université américaine, s’appuyant sur des enquêtes israéliennes (!!), a conclu qu’environ 400 000 personnes avaient disparu sans laisser de trace dans la bande de Gaza, en raison de la brutalité inimaginable et excessive d’Israël — sur une population totale de deux millions d’habitants avant le 7 octobre 2023. Pour clarifier encore une fois : 400 000 disparus et plus de 50 000 morts avérés représentent environ 25 % de la population de Gaza. 25 % de la population allemande, c’est plus de 20 millions de personnes.
À partir de quel pourcentage commence un génocide ?

Ce qui paraît encore plus révoltant — pour ne pas dire grotesque — c’est de voir, ces jours-ci, ce même président américain et le Premier ministre israélien en temps de guerre se congratuler mutuellement dans les médias pour leurs mensonges et leurs crimes de guerre. Que peut-il bien se passer dans l’esprit d’un homme lorsqu’il nomme un tel individu pour le prix Nobel de la paix, alors que la réalité à Gaza, en Iran, en Syrie, au Liban, au Yémen crie le contraire ?
D’après tout ce que nous savons aujourd’hui, le 13 juin 2025, Israël et les États-Unis, avec le soutien de leurs « partenaires », ont délibérément violé l’ensemble des règles internationalement reconnues et juridiquement contraignantes visant à prévenir la guerre. Et cela, dans le seul but de poursuivre, par des moyens militaires, des objectifs religieux enjolivés et politiquement plus que contestables, dictés par des intérêts géopolitiques et économiques. Des partenaires de ce genre sont, en termes juridiques, des complices.
Wikipedia décrit cette situation comme suit (traduction francaise de l’article allemand « Komplizenschaft ») :
Complicité (du latin cum plectere = étroitement lié) désigne le fait d’aider ou d’encourager, et est définie en droit pénal comme un processus en trois étapes : la décision de commettre un crime, sa planification, et son exécution.
Wikipedia
Il semble profondément injuste que les alliés militaires et politiques des agresseurs — Israël et les États-Unis — à savoir la France, le Royaume-Uni, et surtout l’Allemagne, qui semble aujourd’hui chercher ses repères dans les heures les plus sombres de sa propre histoire, se préparent à la guerre contre la Russie, toujours désignée comme « notre ennemie », et adoptent une posture de plus en plus belliciste. Qu’ils aient en outre l’audace non seulement de ne pas condamner l’attaque totalement déchaînée d’Israël, mais encore de condamner l’Iran pour avoir défendu son propre territoire dépasse l’entendement.
Le raisonnement du chancelier Merz relève d’une forme de schizophrénie politique et laisse présager le pire pour son action à la tête du gouvernement : selon lui, Israël aurait le droit de « défendre son existence et la sécurité de ses citoyens ».
Mais enfin, qui a attaqué qui, Monsieur Merz ?

Soit dit en passant, l’argumentation du chancelier n’est nullement étayée par le droit international, comme l’explique en détail le professeur de droit international et ancien rapporteur de l’ONU, le Prof. Dr iur. et phil. Alfred de Zayas, dans un entretien accordé à Zeitgeschehen im Fokus. Il souligne en outre :
"Friedrich Merz s’excuse pour une agression, s’excuse pour des crimes de guerre, s’excuse pour des crimes contre l’humanité, s’excuse pour un génocide. Sauf erreur de ma part, ce genre d’apologie constitue une infraction au regard des lois de la République fédérale d’Allemagne."
Alfred de Zayas
Par ses livraisons d’armes à Israël, l’Allemagne, aux côtés des États-Unis, s’est qualifiée pour une place sur le banc des accusés lors de futurs tribunaux.
Friedrich « sale besogne » Merz et Johann « la Russie restera toujours notre ennemie » Wadephul ont apporté à la politique étrangère allemande une « qualité » qui dépasse de loin la rhétorique guerrière d’une femme comme Baerbock.
Dans ce contexte, il paraît tout aussi déplacé que le général allemand Freuding, inspecteur de l’armée de terre et responsable de la coordination de la coopération militaire entre la Bundeswehr et l’Ukraine, déclare en plein Kiev, le 11 juillet 2025, vêtu de l’uniforme de campagne allemand, dans une interview accordée à la chaîne publique ZDF (à partir de la minute 13:20) :
"Aujourd’hui, nous avons assisté à la signature d’un accord entre l’industrie ukrainienne et le ministère ukrainien de la Défense, accord financé par l’Allemagne. Nous n’avons lancé ce programme qu’à la fin du mois de mai, et d’ici la fin du mois, les forces armées ukrainiennes recevront les premiers systèmes de missiles longue portée."
General Freuding

Ceci est un nouvel exemple du gouffre intellectuel et moral depuis lequel la politique allemande contemple l’histoire et le présent. Car une fois décodées, les déclarations triomphales du général Freuding révèlent la réalité suivante :
L’industrie allemande de l’armement a établi en Ukraine des installations de production pour fabriquer des missiles longue portée à partir de technologies allemandes, destinés à frapper des cibles en Russie. Étant donné que ce programme est financé par le gouvernement allemand, ce contrat n’est en réalité pas un accord entre « l’industrie ukrainienne et le ministère ukrainien de la Défense », mais bien un contrat entre l’industrie allemande de l’armement et l’État allemand pour fournir à l’Ukraine des armes d’agression allemandes, gratuitement. Ce n’est même pas une coentreprise.
Le sens de ce montage juridique ne fait guère de doute : l’Allemagne cherche, au minimum, à masquer partiellement son implication directe dans la guerre contre la Russie. Il convient de rappeler, une fois encore, à la classe politique et militaire allemande que la République fédérale a franchi une ligne rouge qui, il y a encore six ou sept ans, était perçue comme un garde-fou juridique précisément destiné à éviter toute participation au conflit. Ce ne sont aujourd’hui que la retenue de la Russie et la lucidité de son analyse stratégique qui retardent le moment où l’Allemagne sera officiellement considérée comme partie prenante à la guerre.
Il paraît profondément troublant, voire surréaliste, d’entendre le chancelier Merz déclarer depuis la tribune du Bundestag — avec l’approbation de la majorité des parlementaires — qu’il n’a aucun intérêt à résoudre le principal problème qui menace aujourd’hui la paix en Europe. Où, sinon au sein du gouvernement, devrait-on tout mettre en œuvre pour préserver la paix ? Et pourtant, les responsables politiques allemands, enfermés dans leur étroitesse de vue, laissent le chancelier affirmer sans ciller : « Les moyens de la diplomatie sont épuisés » (à partir de la minute 6:15). Il prononce ces mots en toute connaissance de cause, sachant qu’il n’a, depuis son entrée en fonction, strictement rien entrepris — pas même le moindre geste — pour offrir à la diplomatie, notamment à travers un dialogue direct avec la Russie, la moindre chance d’aboutir.
Petit rappel : la diplomatie est l’art et la pratique de la négociation entre représentants autorisés de différents groupes ou nations.
Lorsque le chef d’un gouvernement adopte sciemment une attitude aussi peu diplomatique — voire ouvertement antidiplomatique —, le comportement du général Freuding à Kiev devient soudain compréhensible.
Le chef du gouvernement allemand, qui semble avoir totalement oublié l’histoire, ferait bien de prendre exemple sur l’un de ses prédécesseurs. Celui-ci n’était pas connu pour sa sensiblerie, mais jouissait d’une grande expérience et d’un solide réalisme en matière de diplomatie. Otto von Bismarck déclarait ainsi devant le Reichstag le 19 mars 1878 :
"Je ne pense pas que la paix puisse être assurée en jouant les arbitres lorsqu’il y a divergence d’opinions (...), mais plutôt d’une manière plus modeste (...) en agissant comme un honnête courtier qui souhaite réellement parvenir à un accord."
Otto von Bismarck
Encore faut-il en avoir la volonté…
Conclusion : Il est temps que cela change
Est-ce que cela semble injuste ?
C’est injuste.
Une politique aussi peu disposée à protéger sa population — et qui semble même souhaiter sa souffrance — ne peut être louée. Elle doit être critiquée, dénoncée et combattue.
Car elle détruit les fondements de l’ordre international patiemment négocié, qui a permis à l’Europe — et à une grande partie du monde — de coexister en paix, dans l’ensemble, pendant plusieurs décennies. Cet ordre a trouvé son expression dans l’ONU et ses nombreuses institutions depuis 1945. Ce traité mondial en faveur de la paix englobait également des organisations culturelles, sportives, éducatives, scientifiques, commerciales et économiques.
Aucune de ces structures n’est parfaite. Et pourtant, malgré toutes les faiblesses inhérentes au système onusien — comme le droit de veto, les compromis parfois pénibles qu’il impose, ou les abus souvent visibles et ressentis —, il faut se rappeler une chose essentielle : l’ONU, avec ses traités et ses défauts, demeure le seul système de sécurité globale reconnu au monde. Le détruire sans proposer au minimum un équivalent reviendrait à abolir les fondements mêmes de la coexistence entre les États. Ce serait inévitablement un retour à la loi de la jungle, à la loi du plus fort, et donc à la disparition de ce que nous avons jusqu’ici appelé la civilisation.
Le mépris totalement décomplexé et cynique des normes internationales les plus élémentaires que pratiquent aujourd’hui les États-Unis, Israël et, plus largement, l’Occident, ainsi que l’irresponsabilité et l’hypocrisie que cela révèle, doivent — et auront — des conséquences. Cette attitude pousse tous ceux qui refusent de devenir les victimes de cette politique, qui ne considèrent pas leur voisin comme un ennemi mais comme un partenaire pour résoudre les problèmes communs, à repenser fondamentalement leurs positions vis-à-vis de l’Occident.
Toutes ces réalités crient à un changement. Tant au niveau international que national. Paradoxalement, ce sont les bouleversements géopolitiques mondiaux qui laissent aujourd’hui entrevoir un espoir de changement, davantage que les dynamiques politiques internes.
Autrement dit : les changements politiques nécessaires dans les pays occidentaux viendront sans doute moins de l’intérieur que de l’extérieur — non pas à travers des alternances parlementaires ou des oppositions politiques classiques, mais sous la pression des réalités géopolitiques nouvelles.
«Conséquences prévisibles de politiques irresponsables»