
L'Occident se désintègre - Il suffit d'écouter ses dirigeants
Ce que les Russes appellent « l’Occident collectif » est en train de se désintégrer sous nos yeux. Ce bloc politico-militaire et économique — centré sur les États-Unis et étendu à leurs vassaux européens, ainsi qu’au Canada, au Japon, à la Corée du Sud et à l’Australie — perd sa cohérence et sa direction.
Depuis 1945, et plus encore depuis la chute de l’Union soviétique, l’hégémon américain a façonné l’ordre international par sa domination militaire (via l’OTAN) et sa suprématie monétaire (via le dollar). Aujourd’hui, ces deux piliers se fissurent.
La défaite militaire face à la Russie en Ukraine a sapé la crédibilité de l’OTAN, tandis que l’envolée de la dette américaine et l’instrumentalisation du dollar compromettent son statut de monnaie de réserve mondiale.
Les dirigeants occidentaux sont désorientés face à l’émergence d’un monde multipolaire dont ils ne dictent plus les règles. Leur rhétorique — délirante et déconnectée du réel — en dit plus sur leur état psychologique que sur le monde qu’ils prétendent décrire. Ce n’est pas le moment d’essayer de rationaliser leurs choix : leur monde s’effondre, et ils le sentent.
Écoutez simplement ce qu’ils disent
Voici dix déclarations saisissantes faites par des dirigeants occidentaux au cours des trois dernières années :
Donald Trump
"Je pense que le Groenland, ça va se régler avec nous. Je pense qu’on va l’avoir. Et je pense que les gens veulent être avec nous."
Donald Trump, s’adressant à des journalistes à bord d’Air Force One, janvier 2025.
Le Danemark doit être stupéfait de la brutalité avec laquelle les Américains le traitent lorsqu’il s’agit du Groenland. Copenhague est pourtant l’un des alliés les plus fidèles de Washington, allant jusqu’à offrir ses infrastructures de câbles internet sous-marins au service des intérêts des agences de renseignement américaines. C’est grâce à cette coopération que le Danemark a permis à la NSA d’espionner plusieurs dirigeants européens, comme l’a révélé l’« opération Dunhammer », menée entre 2012 et 2014 et rendue publique en 2021.
Ursula von der Leyen
"L’armée russe récupère des puces dans des lave-vaisselles et des réfrigérateurs pour réparer son matériel militaire, car il n’y a plus de semi-conducteurs."
Ursula von der Leyen, Septembre 2022.
Cette remarque sur le complexe militaro-industriel russe a mal vieilli. Moscou produit près de 3 millions d’obus d’artillerie par an, contre 1,2 million pour les États-Unis et l’Europe réunis. Depuis novembre 2024, la Russie a également déployé le missile balistique Oreshnik — une arme hypersonique atteignant Mach 10 (environ 12 350 km/h), capable de frapper des cibles à 5 000 km avec précision — une avancée qui inquiète désormais l’OTAN.
Scott Bessent
Bessent : "Vous êtes fous d’avoir construit Nord Stream II. Qu’est-ce que vous faites ? »
Tucker Carlson : « Donc on l’a fait sauter. »
Bessent : « Quelqu’un l’a fait, oui… [rire]"
US Treasury Secretary Scott Bessent and Tucker Carlson, April 2025
Qu’une puissance sabote l’infrastructure énergétique de l’un de ses propres alliés est une chose. En plaisanter devant les caméras en est une autre. La destruction des gazoducs fut un acte de guerre. Aujourd’hui, c’est un « secret de famille » — su de tous, évoqué par personne. L’évoquer, c’est risquer de briser les ultimes apparences d’unité dans « l’Occident collectif ». C’est dans ce contexte qu’il semblait presque irréel d’entendre J.D. Vance donner une leçon de réindustrialisation aux Européens à Munich, en février dernier — alors que les prix de l’énergie allemande explosaient. Combien de temps avant que la Bundesbank ne rapatrie les 100 milliards d’euros d’or encore stockés à New York ?
Donald Trump
"Vous n’avez aucune carte en main".
Scott Bessent, Secrétaire au Trésor américain, avec Tucker Carlson, avril 2025.
En 2019, le think tank américain RAND publiait un rapport intitulé Overextending and Unbalancing Russia. Le document expliquait comment les États-Unis pouvaient affaiblir la Russie en armant Kiev, forçant Moscou à mobiliser ses ressources économiques et militaires dans la guerre du Donbass commencée en 2014. Mais en 2025, c’est le scénario inverse qui s’est imposé. Les États-Unis et l’UE sont enlisés dans une guerre d’usure par procuration que Donald Trump souhaite désormais clore. La fameuse « solidarité occidentale » a trouvé sa véritable expression dans le Bureau ovale, quand Trump a dit à Zelensky : « Tu joues avec la Troisième Guerre mondiale. »
"Je vous le dis, ces pays nous appellent et me lèchent le c*l ."
Donald Trump, Avril 2025
Dans L’Art de la guerre, Sun Tzu écrit que la meilleure victoire est celle que l’on obtient sans combattre. La Chine a-t-elle déjà gagné sa guerre économique contre les États-Unis — sans tirer un seul coup de feu ? Après avoir lancé une salve de droits de douane contre presque tous les pays, Trump a fini par se recentrer sur Pékin, avant de suspendre ses décisions sous la pression des marchés financiers. Sa politique a déclenché une chute des actions, l’indice S&P 500 perdant 10 %, tandis que le rendement des obligations à 10 ans atteignait 4,5 %. Dans ce contexte, son arrogance et sa vulgarité n’inspirent ni le contrôle ni la confiance.
Benjamin Natanyahu
"Tu ne dois pas oublier ce que t’a fait Amalek, dit notre Sainte Bible"
Benjamin Netanyahu, Septembre 2024
Lors d’une conférence de presse, le Premier ministre israélien a comparé les Palestiniens aux Amalécites, un peuple biblique que Dieu aurait ordonné d’exterminer intégralement — femmes, enfants, vieillards et bétail compris. De nombreuses sources crédibles accusent Israël de commettre un génocide à Gaza. Le soutien inconditionnel des États-Unis pousse Israël à ne plus résoudre ses conflits que par la force, au risque de devenir un État paria.
J.D. Vance
"Nous empruntons de l’argent à des paysans chinois pour acheter ce que ces paysans chinois fabriquent."
JD Vance, vice-président des États-Unis, avril 2025
S’il reste quelque chose de paysan chez les Chinois, c’est bien leur discipline, leur épargne et leur résilience — des qualités qui leur ont permis de multiplier leur PIB par 60 en 45 ans. Il est vrai que la Chine est devenue la première puissance productive et créancière du monde, créant des dépendances malsaines pour les marchés étrangers, notamment les États-Unis. Mais à quoi bon afficher un tel mépris envers Pékin ? Un peu d’humilité serait bienvenu, de la part d’un représentant d’un pays où l’espérance de vie diminue, où plus de la moitié de la population lit à peine à un niveau de collégien, et où plus de 40 % des adultes sont obèses.
Benjamin Haddad
"Nous pouvons frapper l’économie américaine en profondeur."
Benjamin Haddad, ministre français des Affaires européennes, avril 2025
En mars 2022, Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie, annonçait fièrement que les sanctions occidentales provoqueraient « l’effondrement de l’économie russe » — on connaît la suite. Trois ans plus tard, la cible n’est plus la Russie ou la Chine, mais les États-Unis. Un revirement spectaculaire dans le discours transatlantique, qui témoigne de l’approfondissement des tensions au sein même du camp occidental.
Josep Borell
"L’Europe est un jardin. Le reste du monde est une jungle."
Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, octobre 2022
Le « cercle de Valeriepieris », popularisé par Ken Myers, montre que plus de 50 % de la population mondiale vit dans un rayon de 4 000 kilomètres centré sur l’Asie du Sud-Est.

C’est là que se déplace le centre de gravité de la croissance économique mondiale — et plus largement, de l’histoire humaine. La flambée des prix de l’énergie en Europe après la guerre en Ukraine accélère la désindustrialisation du Vieux Continent. Des métaphores hasardeuses comme celle de Borrell renforcent l’idée que l’Union européenne devient une périphérie de l’Eurasie.
Kaja Kallas
"La désintégration de la Russie en petits États n’est pas une mauvaise chose."
Kaja Kallas, chef de la diplomatie européenne, 2023
La diplomatie est l’art de gérer les relations internationales par les règles, les institutions et la négociation. C’est aussi, au quotidien, la capacité à interagir avec les autres avec tact et discernement. Pourtant, l’UE a confié cette mission à une personne qui appelle ouvertement à balkaniser une puissance nucléaire. On pourrait penser que si l’OTAN venait à disparaître, ce type de rhétorique disparaîtrait du jour au lendemain.
La logique de l’Histoire
« L’Occident collectif » se désintègre, précipitant le basculement du centre de gravité mondial vers l’Est. Tout comme la croûte terrestre doit trembler pour s’adapter au lent glissement des plaques tectoniques, l’ordre mondial doit périodiquement se reconfigurer face au déclin d’un empire et à l’émergence d’un autre. Il n’y a là rien d’extraordinaire — c’est la logique de l’Histoire.
Mais depuis 1492 et la découverte de l’Amérique, le pouvoir impérial est resté l’apanage des nations européennes et chrétiennes. Cette fois, c’est différent. Ce que nous vivons n’est pas seulement une transition géopolitique — c’est un basculement civilisationnel : plus profond, plus vaste, et infiniment plus déroutant. Ce qui rend l’avenir plus difficile à imaginer.
Toute grande puissance atteint un jour le moment où elle vit mieux sans son empire — autrefois source de fierté, devenu aujourd’hui fardeau de mémoire. Une relique trop lourde à porter, trop douloureuse à regarder en face.
«L'Occident se désintègre - Il suffit d'écouter ses dirigeants»