
Charlie Kirk et le manuel de l'assassinat
Les responsables américains, les médias et de nombreux historiens évitent généralement un sujet épineux : le conflit ouvert qui opposa John F. Kennedy à Israël au sujet de son programme nucléaire et de la supervision américaine. Kennedy plaidait pour davantage de transparence, pour des inspections régulières et pour un contrôle plus strict des armements. Israël, alors dirigé par David Ben-Gourion, privilégiait quant à lui le secret et des décisions stratégiques indépendantes — dans le cadre d’un effort plus vaste visant à bâtir et sécuriser un puissant État sioniste sur des terres arabes. Kennedy craignait que des transferts d’armes non réglementés ne déstabilisent la région et n’entraînent un conflit plus large.¹/²
Le 22 novembre 1963, des coups de feu tirés à Dallas mirent fin à la vie de Kennedy et, selon certains, marquèrent la fin d’une ère de leadership américain indépendant. Kennedy incarnait la jeunesse, l’espoir, et un élan en faveur des droits civiques et de la paix. Pour des millions de personnes, il représentait bien plus qu’un président : il symbolisait le champ des possibles. Mais la version officielle du tireur isolé a laissé de nombreuses questions sans réponse : des témoins oculaires ont rapporté plusieurs tirs, des preuves clés ont disparu, et les investigations furent découragées.³ Kennedy s’était fait de puissants ennemis : il s’était heurté à la CIA et au Pentagone, avait résisté à l’expansionnisme agressif d’Israël et s’était opposé à son programme nucléaire secret à Dimona.⁵ Certains historiens et critiques avancent que le Mossad et des réseaux pro-israéliens avaient de solides motifs ; d’autres rejettent ces conclusions.⁴/⁵ Quoi qu’il en soit, Dallas a changé la trajectoire de la politique étrangère américaine.
Ce qui a suivi, selon les critiques, fut une longue période durant laquelle les présidents successifs se montrèrent de plus en plus dociles à l’égard d’intérêts extérieurs. Sur le plan intérieur, la pauvreté augmenta, les coûts de la santé explosèrent et les inégalités se creusèrent — tandis qu’à l’étranger, des guerres coûteuses se multipliaient, souvent — et de façon prévisible — au Moyen-Orient.
Le vice-président Lyndon B. Johnson, fervent soutien de l’État sioniste, prit la présidence et, selon ses détracteurs, abandonna nombre des exigences de Kennedy envers Israël.
Les survivants de l’attaque de l’USS Liberty en 1967 ont affirmé qu’il s’agissait d’une opération sous faux drapeau impliquant directement Johnson, destinée à être imputée à l’Égypte afin de justifier une entrée en guerre des États-Unis aux côtés d’Israël contre l’Égypte ; ils affirment que les responsables américains ont étouffé l’enquête et empêché toute tentative de faire la lumière.⁷ Le Congrès refusa d’ouvrir une enquête sur l’affaire.
D’autres épisodes alimentent ce récit d’influence et de dissimulation. Les critiques citent certaines déclarations et incidents — comme un propos attribué à Benjamin Netanyahou en 2008 selon lequel Israël aurait tiré un avantage stratégique du contexte post-11 septembre⁹, ou encore l’arrestation en 2001 de cinq Israéliens filmés en train de célébrer les attentats du World Trade Center (les fameux « Dancing Israelis »)¹⁰ — comme autant d’indices d’un ensemble de manipulations et de liens opaques. Ces épisodes demeurent controversés et contestés — tout au plus débattus, plutôt que tranchés.
L’affaire Kirk : comment elle s’inscrit dans ce schéma ?
Ken McCarthy, auteur de JFK and RFK’s Secret Battle Against Zionist Extremism, résume son point de vue sans détour : « La version officielle a-t-elle seulement une fois correspondu à la réalité ? John F. Kennedy ? Non. Robert F. Kennedy ? Non. Martin Luther King ? Non. Malcolm X ? Non. Le 11 Septembre ? Non. Le Vietnam ? Non. Presque jamais. » Selon lui, il faut se montrer sceptique et enquêter.¹¹
Historiquement, les assassinats suivent souvent une même mécanique : une figure gagne en notoriété, ses idées évoluent, et elle adopte une position nouvelle qui menace de puissants intérêts. Martin Luther King Jr. devint une cible lorsqu’il s’opposa à la guerre du Vietnam¹². Malcolm X, après son pèlerinage à La Mecque. John Lennon, selon certains, représenta une menace lorsqu’il renoua avec l’activisme pacifiste dans les années 1980.
Charlie Kirk correspond à plusieurs éléments de ce schéma. Il a lancé Turning Point USA à 18 ans et en est rapidement devenu le visage public — TPUSA s’est ensuite transformée en une organisation de grande ampleur (des chiffres rapportés évoquent un budget de plusieurs dizaines de millions de dollars, des centaines d’employés et des milliers de sections universitaires).¹³ Kirk était le meneur charismatique capable de mobiliser la jeunesse sur le terrain. Il devenait plus indispensable que jamais pour Israël alors que de nombreux jeunes — y compris chez les conservateurs — se disaient horrifiés par le génocide à Gaza et commençaient à se détourner de l’État sioniste. Son rôle était de les maintenir dans le rang.
Or, ces derniers mois, il aurait changé : il aurait refusé un don important de Benjamin Netanyahou, mis en garde Donald Trump contre une guerre avec l’Iran, et donné la parole à des critiques de la politique israélienne — des gestes qui, selon ses amis et alliés, ont provoqué un violent retour de bâton.¹⁵ Certains proches le décrivaient comme « en colère » et « effrayé » face aux pressions exercées par de puissantes figures pro-israéliennes. Netanyahou déclara plus tard l’avoir invité en Israël ; ses proches affirment que Kirk aurait refusé.¹⁷
Puis vint la balle du sniper. La version officielle a été critiquée pour ses incohérences, et la communication initiale des enquêteurs a soulevé de nombreuses questions.¹⁸ Netanyahou a nié toute implication et accusé « les islamistes radicaux et l’ultra-gauche », alors même que le suspect arrêté aurait eu des liens avec des milieux d’extrême droite.¹⁹ Pour beaucoup d’observateurs, la combinaison d’un mobile, d’une évolution idéologique et d’un récit officiel peu concluant justifie un examen attentif.
L’histoire inachevée
Aucune de ces affaires n’est vraiment close. Pas réellement.
Le schéma est clair : les voix puissantes qui menacent le statu quo sont réduites au silence.
Le gouvernement américain y voit peut-être des coïncidences ; ses relais médiatiques, de simples « tragédies ».
L’Histoire, elle, y voit ce qu’elles sont : le pouvoir qui se protège.
Tant que nous refuserons d’affronter cette vérité, le cycle se répétera.
La première version n’est jamais la dernière.
Des journalistes courageux comme Max Blumenthal considèrent qu’il est de leur devoir d’enquêter, pas de se taire.
Il s’agit d’investigations acharnées, fondées sur les faits — non de colporter des théories du complot infondées.
C’est questionner, creuser, révéler.
Se taire, c’est être complice.
L’histoire inachevée ne s’écrira pas toute seule.
References
Avner Cohen, Israel and the Bomb (Columbia University Press, 1998).
Michael Karpin, The Bomb in the Basement (Simon & Schuster, 2006).
The Warren Commission Report (1964).
Mark Lane, Rush to Judgment (Holt, Rinehart and Winston, 1966).
James W. Douglass, JFK and the Unspeakable (Orbis, 2008).
Irene L. Gendzier, Dying to Forget: Oil, Power, Palestine, and the Foundations of U.S. Policy in the Middle East (Columbia University Press, 2015).
James M. Ennes Jr., Assault on the Liberty (Random House, 1979).
Phil Tourney & Mark Glenn, What I Saw That Day (BookSurge, 2009).
Haaretz, “Netanyahu: 9/11 Terror Attacks Good for Israel,” April 16, 2008.
ABC News, “The White Van: Were Israelis Detained on Sept. 11 Spies?” June 21, 2002.
Ken McCarthy, JFK and RFK’s Secret Battle Against Zionist Extremism: The Documentary Evidence (2022).
David Garrow, Bearing the Cross: Martin Luther King Jr. and the Southern Christian Leadership Conference (HarperCollins, 1986).
ProPublica, “How Turning Point USA Grew into a Political Powerhouse,” (2021).
Jane Mayer, Dark Money (Doubleday, 2016).
The Grayzone, “Charlie Kirk’s Rift with Netanyahu” (2024).
Interview with Candace Owens, cited in Daily Wire, (2024).
Benjamin Netanyahu, press remarks, August 2024.
Washington Post, “FBI’s Charlie Kirk Narrative Under Scrutiny” (2024).
Times of Israel, “Netanyahu Blames Radicals for Kirk Assassination” (2024).
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